Lettre aux Cahiers antispécistes
Ce texte est une lettre qu’Anna Joliet nous a envoyée, sous forme de cassette, le lendemain de l’émission de télévision « Ciel mon Mardi ! » de mai 1992 à laquelle nous avons participé. Nous avons décrypté et mis en forme cette cassette avec son accord – en conservant néanmoins au texte son style oral.
Il y a très longtemps que je veux vous parler, vous parler un peu des impressions que m'ont donnée toute votre activité et les Cahiers que vous m'envoyez, mais je n'ai pas pu jusqu'ici réunir assez bien mes pensées pour mettre sur papier ou même sur cette cassette les idées un peu en ordre. Mais je vais essayer et vous me pardonnerez peut-être si je ne suis pas très cohérente.
Je vous ai vu hier à la télévision. Depuis que vous êtes passés à mon magasin, que vous avez déposé des écrits qui m'intéressent beaucoup, surtout Le mouvement de libération animale de Peter Singer, depuis, j'ai tremblé pour vous - en fait pour nous puisque je suis tout à fait avec vous - parce que je connaissais les émissions de Dechavanne, et je savais que c'était plutôt du divertissement, très bien suivi ; et je pensais qu'il y avait beaucoup de risques à accepter son invitation. En tout cas évidemment il y avait beaucoup à dire pendant cette émission que vous n'avez pas eu le temps de dire, puisque chacun a justement quelques secondes et qu'elles doivent être utilisées au maximum ; ça devient vraiment une espèce de jeu de cirque assez désagréable. Je savais qu'il était très dur avec les gens, qu'il voulait surtout être drôle, qu'en fait il était faussement libéral ; je pensais bien qu'il n'avait pas beaucoup de sympathie pour les mouvements extrêmes, et le vôtre - le nôtre - doit lui paraître certainement extrême.
Donc, en fait, c'est vrai que ça ne s'est pas très très bien passé, parce que je ne sais pas si nous avons gagné beaucoup de réflexion chez les gens après ou pendant cette émission, il a vraiment le talent de rendre tout le monde ridicule, mais enfin quand même vous en êtes pas trop mal tiré. Toutefois je crois que je peux imaginer que vous étiez très en colère parce qu'on est très en colère devant les gens comme ceux qu'on nous a présentés hier, et qui étaient d'ailleurs un échantillon tout à fait normal des gens que nous rencontrons dans notre vie tous les jours. Ce n'était peut-être pas tout à fait bien de les attaquer, surtout à propos des enfants, parce que c'était beaucoup trop compliqué, et puis je crois que quand les gens sont indignés ou frappés trop fort, ils ne trouvent plus de raison pour répondre, mais ils répondent aussi par la colère et par des banalités - c'est ce qu'ils ont fait. Mais enfin, ça n'a pas été trop mal, je ne sais pas comment ça a été pour vous, vous me le raconterez peut-être, vous me l'écrirez ou peut-être qu'un jour on se rencontrera.
D'ailleurs je vous avais déjà vu, j'avais participé à deux rassemblements à la gare de Montparnasse et j'avais vu votre mouvement, et je dois dire que je suis toujours très déçue par ces manifestations bruyantes et criardes, qui me paraissent tout à fait manquer de dignité et d'un certain esprit pathétique que ces problèmes devraient donner, mais enfin tant pis, on prend ce que l'on peut prendre. Alors à propos de vous, je vous ai trouvé par Mme Gerdolle qui a un petit journal [1] que vous devez connaître, et qui fait partie de ces gens qui sont des défenseurs des animaux, et moi aussi je me croyais être défenseur des animaux, et je dois dire que quand j'ai reçu votre papier pour la première fois, j'ai été - à la fois séduite bien sûr, et contente de trouver des frères à Lyon - mais un peu quand même choquée, surtout peut-être par le choix des mots.
Ces mots, vous les avez choisis volontairement, je pense un peu choquants puisque vous avez voulu choquer. Mais il me semblait que ce n'était pas un bon système parce que nous ne cherchons pas à nous enfermer dans un petit groupe de gens qui ont certaines idées, pas seulement sur les méthodes d'alimentation puisque le végétarisme n'est qu'un aspect de toute une conception du monde que vous n'avez évidemment pas pu expliquer hier soir parce que ce n'était pas le sujet. D'abord le mot spécisme, c'est un mot que je n'avais jamais entendu, et vous vous expliquez très bien en disant que c'est un mot forcément qui choque parce que c'est un mot nouveau. Et il faut réfléchir à ce que ça veut dire..., c'est assez étrange, ensuite le mot de libération animale m'a choqué aussi - moi j'ai compris bien sûr, en lisant, ce que vous vouliez dire - parce que pour les gens, pour moi-même d'ailleurs, la libération des animaux correspond plutôt à une idée un peu bébête d'ouvrir les cages, de mettre les animaux en liberté, que c'est eux qui vont nous conduire et nous diriger ; c'est une idée un peu de conte de fée qui ne paraît pas du tout sérieuse. Aussi le mot égalité, c'est un mot bateau, un mot que l'on emploie beaucoup trop souvent, qui ne veut plus rien dire, j'ai bien compris aussi en vous lisant qu'il ne s'agissait pas d'une uniformité et que tout le monde sait que les animaux ne sont pas des hommes, les hommes ne sont pas des animaux, qu'il y a différents animaux, mais ce mot égalité devrait plutôt être remplacé, vraiment à bon escient, par le mot considération.
Quand j'ai relu votre article sur le fait que vous vous sépariez des défenseurs des animaux, je me suis moi-même nommée un peu différemment, je ferais partie plutôt des défenseurs des animaux jusqu'à l'extrême ; c'est à dire que j'ai assez vite compris dans ma vie qu'on ne pouvait pas les défendre en acceptant de les tuer et de les manger. Et je voyais bien, nous voyons bien tous, que tous ceux qui font partie des défenseurs des animaux que nous connaissons, mangent de la viande, portent des fourrures.
Enfin tout le monde aime vraiment les animaux, et dans ma famille par exemple, la mère de mon petit fils dit toujours qu'il adore les animaux, il n'empêche que dès qu'il peut, il va à la pêche ; il s'excite sur les animaux comme tout le monde, parce qu'effectivement il y a une fascination pour les animaux, pour leur mort aussi d'ailleurs.
Vous êtes arrivé à dire cela un peu, que tout le monde est concerné ; mais c'est un phénomène tout à fait extraordinaire : tout le monde sait qu'il s'agit d'une chose lamentable, affreuse, surréaliste, mais personne ne veut le dire ou y réfléchir, tout le monde lui tourne le dos. Je pense que ça vient peut-être du fait aussi que c'est tout à fait licite, on n'est pas puni par la loi pour tuer les animaux, on est un peu poursuivi pour la cruauté, et encore, il a fallu des années de lutte pour cela. Mais les gens s'imaginent que puisque c'est permis, ce n'est pas mal ; voler c'est mal, c'est puni par la loi, tuer un homme c'est interdit par la loi. Ceci dit, cette histoire de tuer est quand même une chose très extraordinaire, puisque « ne tuez point » me semble être une règle appliquée dans presque toutes les religions - comment peut-on à la fois savoir qu'il ne faut pas tuer et tuer. Je ne vois pas bien pourquoi les gens qui réfléchissent n'en tirent pas la conclusion qui s'impose. Comment peut-on savoir qu'il ne faut pas tuer et tuer ; c'est déjà une chose, mais comment peut-on aussi aimer les animaux et les tuer ? Et puis il n'y a pas que la mort, ça aussi vous l'avez évoqué, la mort évidemment c'est une chose abominable, mais la souffrance qui la précède est encore pire, enfin je ne sais pas si c'est pire que la mort, mais c'est une chose aussi difficilement acceptable.
Mon mari qui a vécu à la ferme prétend toujours que c'était très bien, qu'on aimait les animaux qu'on faisait travailler et qu'on tuait après ; cette façon de penser me paraît tellement bête, je pense qu'à la ferme aussi c'était assez épouvantable de les élever, de les voir tous les jours, de les inviter à manger, de les soigner, pour un jour les attraper pour les tuer pour manger. Et pour manger en fait souvent en famille - un de nos ennemis d'hier a évoqué cette notion de la convivialité qui accompagne le repas, qui accompagne surtout la fête. Dans notre civilisation et dans beaucoup d'autres, la fête, en fait, c'est la mort, et d'ailleurs quand c'est du cochon, on dit « la fête du cochon » ; on dit des paroles qui sont épouvantables et on ne s'en rend pas compte.
Alors on se dit qu'il faut manger des animaux ; les diététiciens, les histoires de protéines animales, je pense vraiment que c'est une chose tellement secondaire. Vous avez dit hier à un moment donné « ça m'est égal que ce soit naturel », c'est un peu délicat de le dire, parce qu'il est certain que si l'on s'écartait trop de la nature - enfin la notion est extrêmement élastique - ça n'irait plus non plus, mais enfin on peut quand même plier la nature un petit peu. Moi ça ne m'intéresse pas particulièrement de me nourrir d'une façon rationnelle, parce que je suis d'un certain âge et ça m'est égal, mais pour les enfants, c'est important de les élever d'une façon qui soit bonne pour leur santé, et c'est une question de diététique qui est parfaitement facile à résoudre.
C'est dommage quand même que vous vous soyez laissé entraîner dans cette histoire de chats, parce que dans le court temps qui vous était destiné on ne pouvait pas expliquer qu'il suffisait de faire quelques recherches pour trouver une nourriture adéquate, pacifique pour les animaux domestiques qui sont des carnivores, que c'était tout à fait faisable, mais tout ce que tous les gens ont retiré, c'est que vous donniez des herbes à vos chats, alors évidemment c'est facile d'en rire. C'est ce qui était le plus dangereux dans cette émission, d'être ridiculisé - cette émission sert souvent et beaucoup à ridiculiser les gens.
J'avoue que je trouve votre mouvement un peu élitiste, parce que pas très efficace, tellement radical, tellement intellectuel qu'il risque de ne pas entraîner les gens. Vous risquez de vous enfermer dans un petit groupe de gens qui se disent qu'il est presque impossible d'éclairer les autres, de les convaincre, parce qu'il y a une sorte de refus ; depuis longtemps j'ai l'expérience de cela. Mais par exemple à l'opposé de vous, il y a un mouvement que je trouve justement de toute modestie - il me semble que vous vous manquez un peu de modestie - qui s'appelle « Aide aux bêtes d'abattoirs » [2]. Il me semble que les gens qui font ça et qui ont choisi ce nom si modeste sont contre l'assassinat des abattoirs, mais qu'ils sont résignés à voir le monde tel qu'il est, ne pas bâtir une utopie mais bâtir un mouvement - d'ailleurs je ne sais pas si ils sont très efficaces, mais c'était pour vous donner l'exemple d'un mouvement qui tient compte de la réalité. La réalité, vous savez bien comment elle est, et moi aussi je le sais très bien.
Je suis plus âgée que vous, et quand j'ai commencé à me rendre compte de l'immensité de cet assassinat et de ce crime, j'avais déjà 35-40 ans et c'est venu petit à petit, toute ma jeunesse je mangeais les animaux et la prise de conscience est venue, je crois que c'était d'abord la vue des boutiques de bouchers, surtout des tripiers, ça me paraissait horrible. Après je me souviens d'un homme qui était interviewé à la radio et à qui on demandait ce qui le gênait le plus dans la vie, et il a dit, c'est que les hommes ont pris dans le monde une position de maître et qu'ils pensent qu'ils ont tous les droits sur le monde, sur les animaux, sur les plantes. Ça m'a paru très juste ; et puis petit à petit je me suis rendu compte que ce n'était pas possible d'aimer les animaux et d'être ému par eux, et d'accepter qu'on leur fasse ce qu'on fait. J'ai cessé donc de manger de la viande, et puis j'ai commencé à regarder autour de moi si par hasard je ne trouvais pas une âme sœur, enfin je faisais un peu de prosélytisme.
Je me souviens qu'un jour mon beau-fils, qui est un très bon mangeur, un bon vivant, un homme très heureux, vantait les qualités des restaurants où les viandes étaient très bien assaisonnées, je lui ai dit à deux ou trois reprises : « Mais qu'est-ce-que c'est que cette histoire de goût de la viande, c'est un véritable crime », et il a accepté avec le sourire, et puis un jour impatient il m'a dit : « Enfin Anna, tu nous casses les pieds avec ton histoire de viande, franchement de qui s'agit-il, ils ne savent même pas qu'ils vivent. » Et comme c'était au début, je me suis dit, « il a peut-être raison, ils ne savent même pas qu'ils vivent. » À un moment je crois que vous le dites, ou c'est Singer, qu'en fait la question est de savoir s'ils sont capables de souffrir, pas de réfléchir ni de raisonner. Vous dites aussi que la capacité de souffrir n'est pas tout à fait égale parmi ces êtres ; je pense que l'angoisse, la connaissance de la mort chez les hommes peut être la peur la plus intense, vécue d'une manière plus intense ; bien sûr ça n'excuse pas le meurtre des animaux, mais enfin on peut à la rigueur se consoler un peu que peut-être c'est moins épouvantable, moins éprouvant, pour ce qui est du meurtre. Maintenant, peut-être, pour la souffrance...
Vous le savez aussi bien que moi qu'il n'est pas facile d'être végétarien, et vous pouvez le dire dans vos livres, on peut dire « c'est rien, de quoi s'agit-il, il s'agit tout simplement de s'arrêter de manger de la viande » ; si on veut vraiment se nourrir de façon rationnelle, il y a des magasins spécialisés, on peut étudier son alimentation, nous pouvons trouver des moyens. Mais ce n'est pas vrai en fait, dans la vie courante, si on travaille, si on a une activité, si on élève des enfants, si on les mène à l'école, la vie nous offre tout le temps l'alimentation qui est celle de la culture dans laquelle nous vivons, et cette alimentation est carnée ; on va chez le boucher, c'est ça la vie quotidienne. Et d'ailleurs cette vie quotidienne me cause des souffrances de plus en plus intenses, parce qu'on voit cela partout, on ne peut pas ouvrir la télévision sans voir la publicité qui vante les vertus de la nourriture carnée, maintenant il y a tout le temps de la publicité pour les poulets élevés d'une certaine façon, pour les boeufs, je dois détourner les yeux parce que j'ai peur de ça.
Hier on n'a parlé que des vaches, et pour cause puisque l'homme était un éleveur de vaches, qui aime ses vaches ; celui qui élève et qui aime ses vaches, c'est comme le toréador qui aime son taureau, c'est comme un chasseur qui aime sa proie, comment est-ce pensable, comment peut-on aimer et tuer, ce sont deux notions absolument contradictoires ; enfin les gens n'ont pas l'air de le comprendre, et ils nous disent, surtout les chasseurs et les amateurs de corridas, que nous ne comprenons rien.
Je pense d'ailleurs qu'il aurait mieux valu parler des veaux que des vaches, parce que le cas des veaux est particulièrement épouvantable, alors que les vaches ont quand même quelques années de vie à peu près paisible ; en plus ce sont des bébés, donc ça aurait pu peut-être toucher les gens.
Il y a les émissions de ceux qui défendent les animaux, qui montrent les horreurs ; et j'ai l'impression que vu cette espèce de refus du public d'accepter qu'il participe silencieusement à une entreprise de meurtre sanglant, je ne vois pas à qui s'adressent ces émissions - à des gens qui aiment regarder la violence ? Les émissions de Brigitte Bardot sont très bien faites - j'aime bien cette fille, elle est certainement très sincère, elle a aussi pas mal d'audience. Mais ce n'est pas pour moi de toutes façons, ni pour vous je pense. Dans tous les journaux pro-animaux, il y a des descriptions d'abus sur les animaux - d'ailleurs qu'est-ce-que l'abus, il n'y a pas que l'abus, tout est abus - vraiment je ne peux pas regarder ça tranquillement.
Récemment j'ai acheté pour mes petits-enfants le petit livre Protégeons les animaux [3] ; je pensais le leur offrir - il y a d'ailleurs des parties très intéressantes avec de jolis dessins - mais enfin ce n'est pas possible de le faire lire aux enfants, c'est épouvantable, les images sont beaucoup trop cruelles ; en plus les parents seraient furieux, parce qu'ils savent très bien ce que je pense, ils peuvent comprendre, mais ne vont pas bien sûr jusqu'à me suivre. Quand par exemple mon fils donne à manger du porc à mon petit-fils, il lui dit cette chose énorme : « Mange du porc, tu aimes le porc » ; devant moi d'ailleurs.
Je ne sais plus comment vivre, la vie devient de plus en plus difficile, la vie avec des gens, c'est à dire des réceptions, des dîners, des sorties, aller au restaurant ; ça m'est devenu beaucoup plus pénible que jadis et presque inacceptable, la lecture du menu, prétentieux en général quand il s'agit de plats avec des animaux, me fait vraiment beaucoup de mal.
Il y a aussi ce très grand argument que j'ai entendu quand j'ai commencé timidement à évoquer cette question avec des gens que j'aime bien et en qui j'ai confiance. Un ami qui comprend que c'est dégueulasse, mais qui n'en tire aucune conséquence, m'a dit un jour : « Écoute, je ne comprends pas, puisque tu ne veux pas manger de viande, n'en mange pas, mais sois tolérante, laisse manger la viande à ceux qui le désirent », et là j'ai trouvé une bonne réponse, je lui ai dit : « Mais je ne veux pas puisque c'est une question de vie ou de mort ». Il n'a pu répondre parce que c'est vrai, on ne peut pas en parler comme ça - le mot de tolérance, c'est un peu comme égalité, comme amour, c'est un mot bateau, qui ne veut strictement rien dire - nous savons tous qu'il faut être tolérants, mais on est tolérant jusqu'à l'intolérable.
Je ne peux pas passer devant un boucher, ses vitrines sont des horreurs, tout ça m'est devenu très difficile, donc pas d'amis, parce que pendant les dîners quand je suis invitée on me dit éventuellement « Ah oui c'est vrai, toi Anna, tu ne manges pas de viande, je vais te préparer du poisson », si je dis que je ne mange pas de poisson, on va me préparer des oeufs. Ça fait un peu scandale, un peu « elle fait son intéressante », « elle est difficile », donc il vaut mieux dire qu'on mange de la viande, je mange à ce moment-là de la viande. J'avais une vieille tante chez qui j'allais très souvent, que j'ai accompagnée jusqu'à la mort, une charmante dame qui jamais n'aurait pu comprendre que je refuse ses dîners, elle m'a même fait des cailles sur canapé.
On peut rarement regarder un film dans lequel il n'y a pas de scène de cruauté envers les animaux. Et ce qui est épouvantable, c'est que, alors que les acteurs savent très bien qu'ils jouent, que ce n'est pas pour de vrai, les animaux eux ne le savent pas, et quand on leur fait peur, on leur fait peur ; ce n'est pas possible de faire des scènes avec des animaux comme on voit sans utiliser la violence. En fait je ne suis pas sûre, et là je voulais justement vous dire aussi que j'ai quelques idées qui ne sont peut-être pas tout à fait les vôtres : bien sûr je suis contre le cirque, contre les zoos. Ça me paraît épouvantable de voir les éléphants qu'on fait jouer à la balle ou se dresser sur leurs pattes arrière, pas pour les éléphants bien sûr les pauvres, mais pour les hommes qui font ça et pour ceux qui vont applaudir - c'est vrai qu'il y a une espèce de fascination des animaux sur les hommes, on pourrait se demander d'ailleurs pourquoi psychologiquement. Mais j'ai quand même l'impression que dans certains cas le dressage, la collaboration entre les animaux et les hommes pour les besoins de spectacles, ne se passe pas aussi mal que nous le croyons. Je pense que dans certains cas ce peut être très bien, et que les animaux finalement ont aussi une grande capacité de s'adapter, et qu'il y a peut-être une sorte d'amitié - si je vous dis le mot d'amitié, c'est que je suis toujours particulièrement touchée de voir les animaux humanisés, et c'est une chose qui peut ne pas tellement vous plaire, mais moi j'aime beaucoup, puisque les animaux et nous habitons deux mondes différents - c'est quand même une vision du monde différente entre eux et nous - et d'apprivoiser un animal, ça me paraît merveilleux. Et donc je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous quand vous dites que votre attention va surtout vers ceux qui sont tués par millions plutôt que par les animaux de compagnie, dont le sort est quand même moins tragique, c'est vrai - mais je pense qu'il n'est pas seulement moins tragique, je pense qu'il y a beaucoup gens qui ont dans leur foyer un animal, quelquefois ça ne veut pas dire grand chose, mais souvent ça se passe très bien. J'ai vu vraiment beaucoup de gens faire très grand cas de leur animal et avoir pour lui une amitié très sincère, donc c'est pas toujours à proscrire [4].
J'ai là en ce moment à coté de moi deux pigeons handicapés, que j'ai ramassés dans mon jardin et que j'ai nourris en pensant qu'ils allaient partir comme beaucoup d'autres, et puis ils ne sont jamais partis parce qu'ils ne peuvent pas voler. Ils vivent ici, ils roucoulent (peut-être que vous allez pouvoir les entendre) ; j'ai trois chats, toujours ramassés dans la rue, des chats en difficulté. Bien sûr, il ne me viendrait jamais à l'idée d'acheter un animal, bien que j'admire beaucoup la beauté de certains chiens de race, j'aimerais bien les toucher et les caresser. Mais je n'achèterais jamais un chien, je suis tout à fait contre, mais comment faire, on ne va pas tout de même encore interdire le commerce, et puis si on interdit une chose, elle renaît clandestinement et encore plus épouvantable.
À un moment donné je ne sais plus lequel d'entre vous parlait de Ceaucescu et de la Roumanie. C'est quelque chose que j'ai toujours connu, parce que je suis polonaise. Depuis de longues années que je suis en France, je suis en rapport avec les Polonais, et évidemment le leitmotiv, c'est : « On n'est mal nourri, il n'y a pas de viande » ; les Polonais ont d'ailleurs toujours consommé beaucoup de viande. Et ça a toujours été pour moi très triste, parce que je voulais bien sûr compatir, j'étais très désolée par mes compatriotes qui n'avaient pas assez à manger ou qui n'avaient pas le plaisir de la table, mais ça se résumait toujours en manque de viande. Il y avait un sombre commerce de viande, des femmes apportaient des veaux qui étaient abattus clandestinement dans les forêts, chacun achetait au marché noir des morceaux de viande et quand les invités venaient, les Polonais astucieux trouvaient partout de la viande et c'étaient des grands repas de viande.
Je pourrais dire que ceux qui vraiment mangent de la viande une fois tous les mois et qui tuent un animal dans leur tribu, encore ceux-là on peut les comprendre, mais que la viande soit aussi la nourriture de gens riches, qu'on puisse à la Tour d'Argent écraser les os de canard pour en extraire le suc - et ça après avoir passé une soirée au théâtre ou à l'opéra, s'adonner à des plaisirs soi-disant culturels, je n'arrive pas à comprendre.
L'autre jour, une amie m'a apporté l'interview d'un intellectuel polonais tout à fait intéressante, il parlait des traditions, il lui paraissait qu'une des marques de la baisse de la culture était l'abandon des traditions, et il parlait de la tradition de Pâques en Pologne avant la guerre, et que c'était une sorte de tissu social qui maintenait non seulement les traditions mais aussi le niveau intellectuel, la sensibilité, la noblesse dans le bon sens du mot. Il décrivait qu'il y avait sur la table un petit cochon, avec un oeuf de Pâques dans la bouche. Eh bien franchement, si on peut faire des réjouissances autour d'une table où il y a un petit cochon qui est presque comme un cochon vivant, qu'on puisse être joyeux, dans ces conditions - moi je préfère ne pas avoir de traditions et manger de la protéine reconstituée avec de la tomate.
Cette histoire m'a beaucoup fait réfléchir, d'ailleurs ce matin encore, je suis passée à coté d'un restaurant qui expose, en plus de sa carte, un petit cochon vivant, dans un petit enclos devant le restaurant ; un petit cochon noir, vraiment très joli, tout jeune ; et les gens mangent dans ce restaurant de la viande de cochon et regardent cet enfant cochon qui est devant eux. C'est comme les poissons exposés dans les viviers dans d'autres restaurants ; les gens ça ne leur coupe pas l'appétit. Il y a aussi ces fameuses truites au bleu que l'on choisit et que l'on fait sur demande ; c'est un monde de fous.
Alors donc ce monde de fous, je vis au milieu, et encore à propos de ce petit livre Protégeons les animaux, je me suis dit que finalement je serais peut-être une bonne grand-mère de ne jamais vouloir offrir un livre comme ça à mes enfants, et de les laisser plutôt dans leur ignorance et dans leur conformisme alimentaire, parce que s'ils sont comme moi, ils vont s'exposer aux mêmes désagréments de la vie, à la même tristesse, à la même haine - oui haine, haine impuissante ; parce que j'ai fini par détester mes semblables, je ne peux pas leur pardonner sans arrêt, je ne peux le dire qu'à vous parce que c'est assez inavouable de ne pas aimer ses prochains. Et même je me dis parfois que si je voyais souffrir un petit cochon et si je voyais souffrir un petit enfant, évidemment ça me bouleverserait l'un comme l'autre, mais je pense que le petit cochon quand il deviendra grand ne sera - s'il devient grand bien sûr - qu'un cochon innocent qui ne fera du mal à personne, alors que le petit enfant sera comme la plupart des hommes, assassin des animaux, assassin sans scrupules. Voilà, enfin ce n'est peut-être pas tout à fait à avouer, parce qu'on n'aime pas tellement entendre ces choses.
Le bon goût de la viande aussi est un très grand ennemi de ce que nous aimerions défendre, parce qu'il faut bien sûr pour être végétarien renoncer à un certain nombre de choses, à la vie avec les autres, etc., mais aussi au goût délicieux de la viande, parce qu'en fait nous le connaissons tous, il faut dire que ça a un goût incomparable ; moi je ne la mange pas parce que je ne l'aime pas et que je n'ai pas l'idée de manger la viande et je le fais très facilement, je ne peux même pas dire que c'est un sacrifice, puisqu'il n'y a pas de sacrifice là. Je me souviens que quand je commençais à devenir végétarienne, nous allions souvent dans les restaurants chinois et il y avait ce plat qui s'appelle chop suey qui existait nature ou au poulet, et moi je prenais nature, mais parfois je goûtais celui de mon voisin, au poulet, et bien entendu il était délicieux. Les hommes n'aiment pas beaucoup en général renoncer à des choses qui leur sont agréables, on aime le plaisir ; renoncer à la viande c'est également renoncer à un agrément de gourmet, c'est évident.
J'ai vu aussi un film qui m'a fait réagir d'une façon un peu honteuse, mais comme je parle avec vous comme ça très sincèrement, je peux vous le dire. Il s'appelait je crois « Le soleil vert » et c'était un film d'anticipation qui racontait une grande ville après un désastre atomique, devenue ce que nous pouvons imaginer, affreuse, sans rien à manger, tout était détruit, les gens misérables ; et il y avait une sorte d'hôpital où on acceptait que les gens se suicident, parce que la vie était trop dure. C'était dans une salle spéciale où ils pouvaient se faire projeter des films sur lesquels on voyait les animaux, les arbres, les fruits, enfin toutes les douceurs dont nous bénéficions encore, avec une très belle musique, et après ils étaient euthanasiés et on évacuait leur corps. Ces corps allaient dans une usine où on les transformait en une protéine spéciale que l'on distribuait après dans la ville à ces moribonds qui n'avaient plus de nourriture pour survivre. Je me souviens que ça ne m'a pas du tout paru aussi horrible que le metteur en scène voulait le dire, puisque d'abord je trouve que tuer pour vivre c'est lamentable, mais manger un corps mort - ce n'est peut-être pas très appétissant pour nos habitudes - mais ça me paraît beaucoup plus légitime, ça me paraît acceptable. Toutes les histoires des hommes cannibales qui ont eu des accidents d'avion et qui ont fini par manger leurs camarades morts, ça m'a toujours paru tout à fait légitime, triste, affreux pour les camarades morts, mais pas du tout pervers, ça me paraît tout simplement triste de manger de la chair, mais enfin, ça me paraît beaucoup moins épouvantable que de tuer des êtres vivants qui ne demandent qu'à vivre.
Tout notre langage est plein d'expressions, qui consacrent tout à fait la souffrance des animaux. Je le repère tellement chez les gens qui sont considérés comme intelligents ou que je pourrais aimer à la rigueur. Dire « pleurer comme un veau », c'est une façon de dire que c'est le propre du veau de pleurer ; « serrés comme des sardines », c'est une façon de dire qu'il est propre aux sardines d'être serrées dans l'huile.Ily a beaucoup d'autres expressions comme ça, surtout « traiter comme du bétail », alors celle-là est vraiment épouvantable ; je suis d'origine juive, les wagons remplis d'êtres qui souffrent c'est quelque chose qui me touche beaucoup, et les grands lieux où on donne la mort en masse aussi ; et ce n'est pas pour ça d'ailleurs que je compatis tellement au sort des animaux. Mais c'est curieux quand même que personne ne fasse de rapprochement entre cette chose qu'ils considèrent à juste titre comme une horreur, avec les wagons à bestiaux et tout ce qui s'y passe.
Bien sûr si c'est un enfant qui dit « traiter comme du bétail », je le conçois, il dit n'importe quoi ; mais récemment j'ai lu un homme qui s'exprimait je crois justement pour la défense des juifs ou des prisonniers politiques qui étaient traités « comme du bétail » ; je ne pense pas qu'on puisse dire ça et être un honnête homme, je ne crois pas. D'ailleurs je dois dire après tout ça quand j'entends parler des Droits de l'Homme, cette extraordinaire exaltation de notre espèce, ça me déplaît, je me demande ce qui se cache derrière, il ne se cache certainement pas le sens de solidarité avec le monde dans lequel nous vivons - et qui est magnifique.
Comment peut-on imaginer ces gens qui essaient d'adoucir un peu la vie des animaux ? Les scènes d'abattoir ça paraît épouvantable, même si c'est très mécanisé, ce n'est pas possible d'infliger la mort sans donner la souffrance. Mais mon mari m'a raconté que pendant la guerre - il mangeait de la viande comme tout le monde bien sûr - il habitait à coté d'une ferme et il allait chez le fermier acheter une poule, et le fermier lui la désignait et mon mari la tuait à la carabine ; donc c'était une mort vraiment instantanée, la poule vivante se promenait et quelques secondes après c'était un cadavre de poule. Je me suis demandé si en fait on pouvait, mais il n'en est pas question puisque la vie me paraît une chose très précieuse à retirer.
Je pensais aussi à cet argument qui a été évoqué hier - auquel j'ai pensé bien sûr - le problème que nous ne verrions plus d'animaux dans les prés - d'ailleurs, on en voit déjà très rarement - si le végétarisme s'était généralisé. Personnellement, je trouverais tout à fait mieux d'aller voir les animaux dans les parcs, aller voir la vache dans le Jardin des Plantes, avec son veau qu'elle élève, et qui sont heureux, plutôt que de les voir dans le pré où ils ne sont pas autre chose que de la viande sur pied. Je ne peux pas voir un animal dans un pré, dans un poulailler ou ailleurs, autrement que comme un futur cadavre, programmé pour être cadavre. Ce n'est pas possible, je ne peux pas m'attendrir gentiment.
Donc il n'y aura plus de cochons, plus de vaches, plus de poules, plus de poulaillers, et les enfants iront les voir dans les très bon parcs zoologiques, où certaines espèces pourront vivre très heureuses, parce que je pense qu'une petite chèvre naine peut vivre très heureuse dans un grand pré ; et puis il y a la télévision, le cinéma, la documentation, il n'y a pas besoin de continuer à manger de la viande pour cela.
Le mot rationnel aussi, moi je ne suis pas philosophe, en tout cas beaucoup moins que vous, et je ne sais pas très bien ce que veut dire rationnel, pour moi c'est plutôt efficace ; ce qu'est la raison, ce qu'est le coeur, je ne sais pas très bien, et je ne vous suis pas du tout quand vous voulez fonder votre théorie sur la notion du rationnel. J'ai l'impression que c'est une question uniquement de sensibilité et que peut-être sommes-nous doués d'une sensibilité effectivement incommunicable, qui fait que nous avons une conception du monde sans violence. Parce que la violence qui nous est la plus proche, la plus directe, c'est celle qui consiste à tuer tous les jours dans les abattoirs des milliers d'animaux. Nous sommes aussi contre d'autres violences, vous avez cité une association qui s'appelle je crois « Douceur et Harmonie » [5], c'est un nom ravissant, mais presque ridicule... d'affectivité.
Vous voulez absolument que ce soit fondé en raison. Moi, par contre, j'ai l'impression que nous sommes d'abord de la sensibilité, c'est-à-dire une espèce de terre, d'une certaine qualité, et sur cette terre peuvent pousser certaines plantes, mais pas d'autres. Il y a après l'éducation, l'expérience, ça prend ou ça ne prend pas, parce que la terre y est propice ou non. J'ai l'impression que c'est une question de vision du monde ; moi, je suis assez pacifique, plutôt désireuse de courtoisie dans les relations, je déteste la bagarre, j'aime beaucoup les gens qui s'expriment avec modération. Et infliger la mort à qui que ce soit, c'est tout à fait le contraire de la douceur.
J'avais noté : « Parce que les enfants n'ont souvent pas tout compris et font des remarques quant à la nudité du roi ». C'est vrai, bien sûr. J'ai deux petites filles qui vivent à la campagne, et à côté de chez elles, il y a une fermière qui a une chèvre qui avait deux enfants, et mes petites filles allaient les voir très souvent. Un chevreau était noir et l'autre blanc, ils s'appelaient Blanchette et Noirette. Et puis un jour, elles y sont allées, et elles ont vu cette chose épouvantable qui s'appelle un barbecue, elles ont vu le petit animal écorché tourner au-dessus d'une braise, et la fermière leur a dit : « Mais ça c'est Noirette ». Alors les deux petites filles sont rentrées en vitesse chez leur maman pour pleurer. Bien sûr, dans cette famille-là, on continue à manger la viande, et c'est vrai que les petites filles ne comprennent pas très bien comment elles ont caressé cette petite chèvre, ont été heureuses d'être avec elle, et voilà que non seulement elle est tuée mais écorchée et en train de cuire, destinée à être mangée.
C'est assez courant que les enfants refusent la viande, mais je ne pense pas tellement que ce soit par amour des animaux - mais peut-être que si - parce que je crois que les enfants ne savent pas très bien ce qu'est la mort. Je me suis demandée si chez moi par hasard, ce goût de la non-violence, surtout quand il s'agit de la mort, n'est pas venu un peu parce que la mort s'est un peu rapprochée de moi, et que j'aime beaucoup la vie. C'est vrai, et je voudrais pouvoir la vivre assez équilibrée, mais depuis que j'ai cette sorte de conscience en moi que cette vie n'est qu'une espèce de restaurant... - c'est Woody Allen qui a dit comme ça un jour en riant : « J'ai l'impression que la vie, ce n'est qu'un grand restaurant », en fait il pensait à ce qu'on appelle la chaîne alimentaire - je suis un peu triste d'être embarquée dans cette vie où la violence fait tellement partie de mon espèce, et je suis triste de faire partie de cette espèce.
Et j'ai l'impression que cette violence est un peu plus - et là vous allez me dire que je suis sexiste - plus le propre d'hommes que de femmes. J'ai l'impression que si le monde était dirigé par les femmes, on tuerait moins. Mais je me trompe peut-être. Parce que quand on voit à la télévision les jeunes soldats qui se tirent dessus, j'ai l'impression qu'ils y prennent vraiment un très grand plaisir. Moi j'ai mes deux pigeons, leur plus grand plaisir, leur vrai bonheur, c'est de se bagarrer ; ils se bagarrent terriblement, je suis parfois obligée de les séparer. Donc je crois que les hommes aiment beaucoup se battre, et que la violence, pour eux, finalement, c'est beaucoup plus acceptable.
Je n'aimerais pas du tout qu'on me considère comme une secte, et j'ai l'impression que je n'en suis pas du tout, parce que je suis absolument convaincue que j'ai raison. Mais est-ce que je suis convaincue que j'ai raison pour tout le monde ? Et si par exemple on me disait qu'en fait la vie n'est que combat, violence ? - comme nous voyons quand nous apprenons l'histoire ; que l'histoire de l'humanité, c'est les guerres. Maintenant j'ai l'impression que nous nous fourvoyons peut-être en montant une sorte d'utopie - qui est peut-être utile et sympathique comme toutes les utopies. Mais je me dis que si c'est une utopie, c'est une utopie, mais au moins j'aurai épargné la vie d'une vache, pendant toute la durée de mon existence. Parce que, qu'est-ce que je fais sinon ? Donner la mauvaise conscience aux autres ? Il y en a très peu qui ont mauvaise conscience. Ou peut-être, tous l'ont un peu, comme vous l'avez suggéré hier, et c'est là que j'ai vu une sorte de lueur dans les yeux de Dechavanne, qui n'est pas bête ; il a un peu compris que c'était un meurtre général, je crois.
Il y a aussi cette chose monstrueuse qu'est le lisier de porc, dans cette Bretagne qui était pour moi jadis le pays des elfes, des histoires de fées, d'un paysage magnifique, des marins qui partaient en guerre - ou plutôt, qui partaient justement à la pêche, la pêche qui était pour moi à l'époque une activité honorable ; comme d'ailleurs la guerre était une activité honorable, on pouvait être soldat, maintenant les gens un peu bien, de gauche, pacifistes, se cachent un peu d'être soldats. Mais aujourd'hui la Bretagne est devenue un pays d'élevage forcé des animaux, donc un pays de souffrance infinie, et donc en plus, il y a ce lisier de porc qui nous empoisonne. Alors non seulement nous tuons les porcs, dans cette histoire absolument invraisemblable, digne de Shakespeare, mais nous sommes empoisonnés par le lisier des porcs que nous élevons pour les manger.
Hier je me suis dit qu'au lieu de parler de la viande, il aurait été mieux de parler de cadavres d'animaux. Il est certain que c'est la vérité - une vérité dirigée, qui n'est pas innocente bien sûr - mais personne ne peut y redire. Il me semble que ce mot de cadavres d'animaux est un mot qui choque, je ne veux pas choquer, mais hier on aurait pu éventuellement en parler, insister sur le fait que nous mangeons des cadavres.
[1] L'Action zoophile, 4 rue Lecomte de Nouÿ, 75016 Paris.
[2] Oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoir (OABA), 10 pl. Léon Blum, 75011 Paris.
[3] Éd. L'Arche de Noé, 25 rue du Mail, 75002 Paris.
[4] Nous somme plutôt d'accord avec ce que dit ici Anna Joliet sur la possibilité d'une relation satisfaisante entre humains et animaux de compagnie. [NDLR]
[5] Les Amis de la douceur et de l'harmonie, El Faitg, 66230 Serralongue.