Veggie Pride. La première manifestation de la fierté végétarienne et végétalienne avait réuni près de deux cents personnes (Paris, 13 octobre 2001). À la seconde (Paris, 18 mai 2002), nous étions 500. La troisième édition aura lieu le 17 mai 2003, et les suivantes le troisième samedi du mois de mai chaque année... jusqu'à ce que le massacre cesse. L'esprit est resté le même, celui dont nous vous parlions dans le numéro 21 des Cahiers (pages 79 à 92]).
Estivales [1]. Les « Estivales », c'est un projet ambitieux : à terme, il s'agirait d'en faire des rencontres de référence pour tous ceux qui s'intéressent à la question animale, à quelque titre que ce soit (militants, journalistes, chercheurs...), un lieu où l'on puisse débattre librement de tout ce qui s'y rapporte. Les premières Estivales se sont déroulées dans le gîte communal de Panissières (Loire) du 5 au 12 août 2002. Une trentaine de participants y ont discuté de thèmes généraux (sensibilité, question animale et écologie, égalité...) ou de sujets relatifs à la stratégie et à l'action (non-violence, militer au quotidien, la Veggie Pride...), dans une ambiance joyeuse et détendue. C'est lors d'un débat consacré aux « projets » qu'est née l'idée de ce qui allait devenir Loen.
Loen [2]. Le 21 décembre 2002, plus de deux cents personnes se sont retrouvées sur la Butte Montmartre à la tombée de la nuit pour protester contre les supplices et la tuerie occasionnés par les repas de fête de fin d'année. Elles ont marché silencieusement à travers Paris pendant trois heures, jusqu'au Parvis Beaubourg, en distribuant aux passants le Manifeste de « L'autre moitié » (reproduit p. 53). Le défilé était éclairé par des flambeaux et accompagné de tambours. Sur les pancartes et banderoles on pouvait lire : « Vos fêtes reposent sur le sang des bêtes » et « Vos fêtes, nos morts ». Le même jour, à Stuttgart, un défilé similaire avait lieu, fondé sur le même manifeste.
Il semble que la volonté existe d'organiser d'autres Loen les années suivantes.
Ces trois rassemblements ont en commun d'œuvrer à créer une certaine attitude chez ceux qui se soucient des autres animaux. Nous voulons nous revendiquer comme membres à part entière de la société humaine, et utiliser les droits que nous confère cette appartenance pour parler et pour être entendus. Il s'agit d'exprimer nos arguments et notre révolte publiquement, clairement, sans agressivité, mais sans adaptation complaisante aux préjugés ambiants. Il s'agit d'oser cette affirmation simple : nous sommes des animaux ; nous avons choisi d'être aux côtés des animaux qu'on martyrise et qu'on tue.
Nous réprimons spontanément notre chagrin pour les vaches étripées, parce qu'un tel sentiment expose au ridicule. Dire : « Je suis comme une dinde, et à Noël je suis du côté des dindes » demande un certain effort. Nous ne savons pas assez montrer nos raisons et nos émotions. Avec la Veggie Pride, avec Loen et d'autres initiatives, nous sommes en train d'apprendre. Lorsque nous saurons, nous serons écoutés, parce que la raison et l'émotion sont communicatives.
C'est aussi la communication qui est en jeu avec les Estivales : créer un pôle qui fasse apparaître la question animale comme un problème de société, et faire que les militants animalistes de diverses cultures, « spécialités » ou associations se parlent. L'esprit de ces rencontres n'est pas d'imposer un consensus de façade au nom de l'union sacrée pour les animaux. Le but est d'échanger sur nos expériences respectives, et de discuter en toute franchise de ce qui nous rapproche et de ce qui nous oppose.
Le débat n'est pas si fréquent. Nous avons besoin de mettre au clair nos idées et stratégies. Nous avons besoin de mettre à l'épreuve les discours que nous avons construits plus ou moins mal pour justifier notre engagement ; d'évaluer l'efficacité des compromis consentis au nom du réalisme ; de faire le tri entre les désaccords réels entre nous et les divergences qui ne font que refléter les divers modèles de cuirasses que nous avons construits pour nous sentir socialement acceptés. Il nous faut inventer des façons d'agir ensemble qui ne se paient pas par la réduction au plus petit dénominateur commun.
La Veggie Pride, Loen et les Estivales sont un début d'exécution d'un vaste programme : nous montrer tels que nous sommes ; cesser de dissimuler pour nous gagner la tranquillité dans un environnement spéciste ; nous aventurer hors de la niche écologique que nous partageons avec ceux qui pensent exactement comme nous ; exposer publiquement nos réflexions, nos sentiments, nos doutes.
Avancer debout en pleine lumière.
[1] Même si les dates et le lieu ne sont pas encore fixés, il est certain que de nouvelles Estivales de la question animale auront lieu pendant l'été 2003.
[2] « Loen » n'était au départ que le nom donné un peu au hasard à la liste des organisateurs de l'événement (un anagramme de « Noël »). Puis on a pris l'habitude de nommer ainsi la manifestation elle-même. Nous avons été tous joyeux lorsque Veggann, l'administratrice de la liste, a découvert que « loen » signifiait « animal » en breton.