Ce court ouvrage 1 contient en réalité deux écrits de Plutarque (v. 46-125) ; le premier est intitulé « Manger chair » (lui-même composé de deux traités), le second « Les animaux usent de la raison ».
Plutarque s'interroge ici sur les raisons qui poussent l'humain à tuer puis manger les animaux :
Comment l'homme peut-il jouir de manger de la chair ? (p. 10).
Selon Plutarque, les premiers humains à manger de la chair l'ont fait par nécessité alors que
...nous, civilisés, nous qui vivons sur une terre cultivée, riche, abondante, nous n'avons aucune raison de tuer pour manger (p. 10).
Il affirme également que manger les animaux est « contre-nature 2 », que les humains, à force de tout vouloir essayer, ne savent plus ce qui est dans leur nature et ce qui ne l'est pas :
...nous n'avons ni ongles pointus, ni dents aigus, ni l'estomac fort (p. 33).
...si tu te veux obstiner à soutenir que nature l'a fait [l'homme] pour manger telle viande, tout premier tue-la donc toi-même (...) sans user de couperet (...) tue-moi un boeuf à force de le mordre à belles dents, ou de la bouche un sanglier, déchire-moi un agneau ou un lièvre à belles griffes, et le mange encore tout vif, ainsi comme ces bêtes-là font (p. 34).
L'homme décadent, c'est bien connu, serait celui qui ne peut vivre non seulement qu'à jouir sans besoin, mais encore et surtout à jouir de ce dont il n'a pas besoin donc à jouir contre-nature ou de sa contre-nature (p. 11).
Après avoir invoqué des raisons physiques et morales allant contre la consommation de chair, Plutarque se penche sur la métaphysique, sur la nature de l'âme des hommes et des animaux. Celle des animaux est vertueuse sans qu'il soit besoin de le leur enseigner :
L'animal sait comment manger ce qu'il doit manger. Tandis que l'homme ne sait pas ce qu'il doit manger (...) (p. 16).
Pour le plaisir de la lecture, je vous livre l'extrait suivant :
Mais rien ne nous émeut, ni la belle couleur, ni la douceur de la voix accordée, ni la subtilité de l'esprit, ni la netteté du vivre, ni la vivacité du sens et entendement des malheureux animaux, ainsi pour un peu de chair nous leur ôtons la vie, le soleil, la lumière, et le cours de la vie qui leur était préfixé par la nature... (p. 32).
« Les animaux usent de la raison », second écrit de cet ouvrage, est aussi intéressant par la forme que par le fond. Il s'agit d'un dialogue entre Ulysse et Gryllos, un de ses compagnons de voyage transformé en beste par Circé, dans lequel Gryllos explique à Ulysse pourquoi il préfère rester cochon. S'ensuivent des comparaisons entre les hommes et les animaux, leur vertu, leur courage, leur hardiesse ou encore leur intelligence.
Notez tout de même que le préfacier manifeste un grand intérêt pour les écrits de Plutarque sous réserve de les dépouiller de toute portée pratique. Je vous livre ses premières phrases :
Plutarque n'est pas végétarien. La question qu'il se pose dans son traité « Manger chair » ne consiste pas à montrer qu'il faut se priver de viande ou de chair animale, mais il se demande dans quelle mesure on peut manger de la chair (p. 9).
Les recherches que j'ai effectuées ne m'ont pas permis de confirmer ses dires, mais plutôt de les infirmer. Toutes les sources que j'ai pu consulter tendent à montrer que Plutarque a été végétarien, au moins une partie de sa vie. Je préfère ainsi rester neutre et conclure que nous n'avons aucune certitude quant au végétarisme de Plutarque. Mais quelle source permet donc à M. Serge Margel d'être aussi catégorique sur la question ?