Le numéro 42 des Cahiers porte sur le thème du carnivorisme éthique. Nous avons eu l’idée de ce numéro car c’est à l’heure actuelle le discours dominant des opposants au véganisme : « non à l’élevage industriel, vive l’élevage paysan, les petits éleveurs amoureux de leurs bêtes ! » Dans le même temps, un autre carnivorisme éthique, compatible avec l’antispécisme, se profile à l’horizon : celui permis par la viande de culture, obtenue sans faire souffrir ni tuer d’animaux sentients.
On observe que les partisans de l’élevage extensif sont vent debout contre la viande de culture, comme ils sont vent debout contre le véganisme. Nous avons voulu y voir plus clair dans ce panier de crabes, où les uns accusent les autres de faire le jeu d’un troisième acteur honni, avec la complicité d’un quatrième acteur honni (mais un peu moins, c’est pourquoi il n’est que complice). Par exemple, Paul Ariès et Jocelyne Porcher accusent les véganes, qu’ils détestent, de soutenir la viande de culture avec la complicité des éleveurs industriels, qu’ils détestent un peu moins.
Dans le premier article du numéro, Pierre Sigler tente de caractériser ceux qui se disent carnivores éthiques, et montre que le carnivorisme éthique est plus un discours alibi, ou une affirmation sincère de malaise, qu’une pratique réelle.
Dans « Garder la viande pour mieux se débarrasser du meurtre », Axelle Playoust-Braure défend l’intérêt de l’agriculture cellulaire comme moyen de mettre fin à l’élevage, tout en satisfaisant la demande de viande, croissante à travers le monde. Elle examine les obstacles, aussi bien techniques qu’idéologiques ou tactiques, à son développement. Elle s’inscrit dans l’approche pragmatique de l’altruisme efficace : prendre les gens tels qu’ils sont, avec leurs défauts et leurs qualités, plutôt que de se morfondre en constatant que les humains n’adoptent pas le comportement éthique idéal qu’on attend d’eux.
Dans « L’élevage à l’épreuve du care », Agnese Pignataro rend compte du débat qui existe parmi les partisans de l’éthique du care : certains soutiennent qu’elle va dans le sens du véganisme (la sollicitude envers les animaux conduit à ne pas les tuer), d’autres au contraire qu’elle va dans le sens de l’élevage extensif (les éleveurs traditionnels font preuve de sollicitude). C’est l’occasion d’un examen minutieux des arguments des partisans du carnivorisme éthique.
Dans « La carnivore éthique : ne culpabilisez pas, j’assume pour vous », Nicolas Bureau recense Ethical Carnivore de Louise Gray, qui pendant un an a tué elle-même tous les animaux qu’elle a mangés. Si vous vous demandez en quoi tuer soi-même des animaux rend leur mise à mort plus éthique que leur abattage par un professionnel, sachez que c’est une question que se pose aussi l’auteur, qui ne cache pas une certaine perplexité.
Dans « Demain, encore spécistes bon teint ? », le même Nicolas Bureau recense Encore carnivores demain ? Quand manger de la viande pose question au quotidien d’Olivier Néron de Surgy avec Jocelyne Porcher, un recueil de textes favorables au carnivorisme éthique.
Ont participé à la confection du numéro 42 (outre les auteurs)
Responsable du numéro (choix du thème et des auteurs) : Pierre Sigler.
Relecture : Marceline Pauly et Estiva Reus.
Mise en ligne et édition de la version epub : TroOn.