Nous nous arrêtons à une station service automatisée, il est 10h du soir. Elle a envie de pipi. Nous sortons du camion.
« Pourquoi ils pleurent ? » On entend au loin meugler des veaux. Pas un ou deux. Des dizaines. Ce n'est pas une vache isolée qui meugle dans un pré. Ce sont les pleurs de dizaines de veaux qu'on aperçoit par la porte ouverte du bâtiment à 50 mètres de nous. Ce n'est pas un abattoir, c'est un centre de triage. Les veaux arrivent ici « vivants » et repartent « vivants ».
« Ils pleurent parce qu'ils ont peur, ils voudraient être ailleurs, en tout cas pas ici. » Les mots me manquent. J'ai une boule au fond de la gorge. Je ne peux pas lui expliquer. J'ai envie de pleurer. Comment lui dire, sans la choquer, l'horreur qui se déroule sous ses yeux... Elle n'a pas encore 3 ans, elle veut comprendre, j'ai peur de lui expliquer. Comment lui dire que dans quelques heures, tous ces veaux seront tués et ensachés pour qu'on puisse les manger. Qu'on les a séparés de leur mère, qu'on les a transportés et amenés ici pour ça. Peur de lui expliquer, honte de ne rien pouvoir faire pour sauver ces veaux.
Elle a bien compris qu'ils étaient malheureux. Elle est en colère, elle est triste. « Pourquoi ils sont ici alors ? » Je lui réponds du mieux que je peux... ma réponse est suivie d'un long silence pensif...