Avec ce numéro, qui est en retard - que nos lecteurs nous en excusent ! -, nous arrivons pour la première fois à la centaine d'abonnés - que nos lecteurs en soient remerciés. Certains aussi nous ont signalé la mauvaise qualité de l'impression du numéro précédent ; il s'agit d'un problème chronique, sans solution radicale, en tout cas pour l'heure. J'espère que l'impression du numéro présent se sera bien passée.
Que certains de nos lecteurs nous pardonnent aussi s'ils se sentent pris à rebrousse-poil par l'article de Philippe Moulhérac que l'on trouvera pages 5 à 7, au sujet du livre De l'Immortalité des animaux du théologien allemand non conformiste Eugen Drewerman sur la question animale. J'ai une certaine sympathie pour Drewerman, qui non seulement me paraît courageux, mais en plus est végétarien. D'un autre côté, quand j'ai moi-même lu De l'Immortalité..., j'ai eu du mal à y comprendre grand chose, et en particulier, où l'auteur voulait en venir. Philippe m'a fait voir que cela est symptomatique du fait que la religion a fondamentalement du mal à intégrer une vision non spéciste du monde - ne serait-ce que du fait qu'elle tend à donner à chacun comme but de se sauver lui-même, et comme moyen, l'obéissance au plus fort. Sans être moi-même, comme il est dit dans cet article, « farouchement anti-religieux » - « non religieux » suffirait -, je pense cependant que, dans sa logique, la libération animale constitue bien un pas de plus vers l'indépendance de la pensée par rapport à la religion, et que c'est là le sens du progrès - débat à suivre, je l'espère.
Le progrès, c'est aussi d'arriver à connaître ce qui nous fait agir comme nous agissons. En particulier, si les humains mangent de la viande, est-ce simplement comme on l'entend souvent parce qu'ils « aiment ça » ou ont été conditionnés pour ça ? Je crois que la question n'est pas si simple ; je tente en pages 8 à 15 d'en éclaircir quelques aspects.
Nous sortons des fêtes de Noël. Tout le monde n'en sort pas, c'est ce que des groupes de libération animale à Rennes, à Paris et à Lyon ont voulu rappeler par les actions qui sont rapportées en pages 16 à 18. On trouvera aussi page 19 un texte du groupe « Stop Au Massacre Animal » de Rouen.
Plus loin, page 22, on trouvera encore une déclaration d'un autre groupe, l'AIDA, mais avec celui-là nous avons certains désaccords. Nous leur avons proposé d'ouvrir un débat de fond ; malheureusement, ils ont tenu à ce que nous publiions à la place ce « droit de réponse ». Je tente néanmoins d'aborder ce débat de fond dans un texte qui suit celui-là, pages 23 à 30. Un tableau, page 31, rappelle quelque peu, lui, l'étendue du problème, en rapportant simplement le nombre de non-humains tués chaque année en France pour la viande (sauf pour les poissons, pour lesquels il n'y a sans doute pas de chiffres comptabilisant les individus).
Ces milliards d'actes de tuer qu'accomplissent les humains sont pourtant, nous rappelle l'article de Karin Karcher en pages 32 à 43, autant d'actes éthiquement condamnables. Le but cependant de ce texte, extrait de sa thèse sur l'éthique face aux non-humains, est cependant d'examiner de plus près la question de pourquoi, et quand, l'acte de tuer un être, humain ou non, est ou n'est pas condamnable. Ce faisant, elle nous rappelle les positions distinctes, mais convergentes, de ces deux philosophes antispécistes parmi les plus influents que sont Tom Regan et Peter Singer.
Dans le numéro d'octobre de Réflexes, revue antifasciste, est paru un article fort hostile à l'égard de la libération animale. J'ai été sur le coup assez inquiet, moins du fait que certains ne nous aiment guère, qu'à cause de l'absence marquée de bonne foi et de volonté de discussion sérieuse dont ce texte fait preuve - il s'agit pour l'essentiel d'un montage de citations hors-contexte assaisonné de gloussements gras. Il me semblait jusque là que le fait que nous avons des arguments, et que tous le sentent même si beaucoup ne veulent pas le reconnaître, nous mettait à l'abri de ce genre d'attaque basse en public ; cet article m'apportait donc un démenti. Lorsque la meute ricanante est lâchée, la raison peut perdre sa puissance ; je craignais que la situation n'évolue dans ce sens.
Yves Bonnardel retrace cette affaire en page 45 ; les derniers développements qu'il rapportent incitent plutôt à l'optimisme, puisqu'un grand nombre de personnes, même parmi celles qui ne sont pas du tout antispécistes, ont trouvé l'article de Réflexes malhonnête, et ont été suffisamment motivées pour le dire. Qu'il soit possible de discuter réellement, cela ne peut être qu'une bonne chose, tant pour l'antifascisme que, à mon avis, pour le projet politique antispéciste.
Enfin, pages 47 à 49, on trouvera un dernier article, cette fois sur l'avortement, sujet lui aussi controversé. Je pense néanmoins qu'il était bon là aussi de dire ce que dit ce texte, d'autant plus que la conclusion est ici à mon sens simple et difficilement contestable.