Les animaux sont exploités dans leur chair. Corps disponibles en attente de démembrement pour la viande, on le sait. Mais corps disponibles aussi pour le viol. De cela, les Cahiers n'avaient jamais parlé. Le fait est que nous avions très peu conscience de l'existence du second phénomène avant d'avoir pris connaissance de l'article de Carol Adams sur la bestialité. Nous le mettons aujourd'hui à la disposition des lecteurs francophones en espérant que son appel à s'insurger contre la violence sexuelle envers les animaux sera entendu.
La bestialité [1] est une pratique dont l'étendue est loin d'être anecdotique. Pourtant, elle est invisible parce qu'elle reste l'objet d'une féroce réprobation sociale. Dans une société qui pratique le gavage des canards et l'élevage concentrationnaire des porcs, ce n'est certainement pas par sollicitude envers eux qu'on s'indigne à la pensée qu'on puisse en faire des objets sexuels. Pourquoi alors la sexualité entre humains et non-humains est-elle jugée scandaleuse ? C'est à une réflexion sur ce thème que nous invite Peter Singer dans « Amour bestial ».
Nous avons réuni dans un même numéro les articles de Singer et d'Adams, dont les approches nous semblent plus complémentaires qu'opposées. Il nous a semblé utile d'y ajouter un commentaire sur les attaques dont Singer a fait l'objet suite à la publication d' « Amour bestial » parce que, au-delà du thème particulier de la bestialité, elles révèlent des attitudes qui nuisent à la droiture et à la force du mouvement animaliste.
[1] Bestialité (ou zoophilie) : comportement consistant pour un humain à avoir des relations sexuelles avec un animal d'une autre espèce.
(Les deux termes possèdent un autre sens. « Bestialité » est aussi un synonyme de « brutalité », tandis que « zoophilie » désigne également l'amour pour les animaux, sans connotation sexuelle.)