On trouvera ci-dessous la présentation de l’association Movimento Antispecista (Italie) par l’un de ses responsables. Ce document, et en particulier le Manifeste pour une éthique inter-espèces, a fait l’objet d’un débat aux Estivales de la question animale le 7 août 2005. Le contenu, la portée, l’utilité du Manifeste ont fait l’objet d’appréciations différentes parmi ceux des participants qui sont eux-mêmes antispécistes. Il nous a semblé intéressant de le faire connaître, tant à ceux qui voudront y adhérer qu’à ceux qui seront plus réservés à son égard. En effet, Massimo Terrile, dans les quelques échanges de courriels que nous avons eus avec lui, s’est montré très ouvert à la discussion et désireux de recevoir des commentaires sur l’initiative du Movimento. N’hésitez pas à lui faire part des vôtres.
La Rédaction
Notre association est née le 16 février 2001 du désir de créer une organisation culturelle animaliste apolitique et autonome, qui ne doive dépendre du financement de personne (hormis ses propres membres) pour survivre. En effet, l'activité d'une association finit par être orientée vers la récolte de fonds destinés à payer son propre fonctionnement. Il en résulte un cercle vicieux qui conduit progressivement à l'abandon des idéaux d'origine. En outre, cela peut provoquer l'asservissement des buts de l'association aux caprices des financeurs, de sorte qu'elle perd toute indépendance de jugement pour devenir en définitive un instrument aux mains de ceux qui gèrent les flux financiers.
Pour cette raison, nos statuts non seulement ne prévoient pas de cotisations, mais ne prévoient pas non plus la gestion de la caisse (nous n'avons même pas la partie TVA), et il est expressément interdit de recevoir des donations, legs ou quelque forme de financement que ce soit. Les membres de l'association peuvent (et doivent) payer de leur poche leurs activités. On évite de la sorte toute forme d'intérêt personnel (voyages, repas, etc.) dans les activités de l'association.
Sur le plan idéologique, comme on peut le lire dans notre Document d'information (dont on trouvera un résumé en annexe I), nous ne prenons à la lettre aucune « vérité révélée » ou non révélée, ni n'avons de textes précis de référence. Nous n'avons pas d'autre guide que la raison et le bon sens, et c'est ce qui nous a conduits à désavouer la DUDA [1] de 1978, qui s'est révélée spéciste et contradictoire. Évidemment, nous croyons en quelque chose, à savoir au droit de chaque être vivant à être respecté, ce qui se concrétise en cinq points fondamentaux (mais il pourrait y en avoir d'autres) : droit à la vie, à la liberté, au respect, au bien-être et à la non discrimination. Comme pour les êtres humains.
C'est pourquoi nous avons travaillé pendant deux ans – avec l'aide d'autres associations – à la rédaction du Manifeste pour une éthique inter-espèces (voir annexe II) qui a recueilli jusqu'à présent les signatures de 32 associations de diverses natures et celles de nombreuses personnalités. Que celles-ci aient été sincères ou moins sincères ne nous préoccupe pas outre mesure. Ce qui importe est que les signataires se sont engagés à se reconnaître dans ce document (la LAV [2] par exemple ne l'a pas signé) et à le diffuser. Le manifeste contient simplement ce qui pour nous constitue l'essence de l'éthique aspéciste : ne pas nuire à autrui (humains inclus) sauf extrême nécessité. Face au dilemme « ma vie ou la tienne », il est clair que renoncer à sa propre vie pour sauver celle d'un autre (en particulier s'il appartient à une autre espèce) ne peut être une obligation, mais seulement un acte d'amour individuel ; de surcroît, l'imposer comme obligation morale serait spéciste à l'égard de celui qui devrait succomber. Par ailleurs, le Manifeste n'est pas un point d'arrivée, mais un point de départ pour une réflexion plus approfondie sur l'éthique aspéciste. Pour cette raison, signer le Manifeste signifie donner son assentiment aux principes que nous jugeons fondamentaux, et s'engager à contribuer à son amélioration via des propositions et réflexions.
Outre notre bulletin [Notiziario], qui est désormais trimestriel, nous avons développé différents documents (tous évidemment gratuits et dénués de copyright, comme toutes nos publications) disponibles sur notre site www.antispec.org :
- Le produit DIETAVEG (programme de calcul individuel d'une alimentation quotidienne) sur la base des tableaux officiels de l'Institut italien de l'alimentation.
- Le produit TAB_PROD (analyse minutieuse du contenu, de l'apport calorique et de la saveur de préparations alimentaires spécialement destinées aux végétariens et végétaliens).
- Le produit BIBLIOTECA (liste de livres et articles concernant la question animale et le végétarisme).
- Le produit NORMATIVA (liste de lois italiennes et de directives européennes concernant les animaux).
En 2003-2004, nous avons participé au Comité pour la révision de la loi 116/92 sur la vivisection organisé par un parlementaire de Forza Italia (preuve de notre neutralité politique), mais après 18 mois de travail, nous n'avons pas approuvé les conclusions et la proposition finale [3]. Cela nous a valu les foudres de certains animalistes qui eux ont approuvé la proposition de loi déposée par le député G. Schmidt (l'organisateur du comité), mais nous avons exposé nos raisons dans le bulletin précité, sans consentir à des compromis avec les politiques ni avec les lobbies chimiques et pharmaceutiques.
Nous organisons périodiquement des présentations de livres à Milan, en collaboration avec les maisons d'édition : en 2003, nous avons présenté la réimpression du livre de Singer La libération animale, en 2005, la nouvelle édition du livre de V. Pocar Gli animali non umani – per una sociologia dei dritti [Les animaux non humains – pour une sociologie des droits].
Nous sommes principalement orientés vers le versant culturel de l'animalisme et vers la diffusion de la philosophie aspéciste comme forme de relation avec les autres êtres vivants, d'où la présence dans notre conseil d'administration d'un médecin (Bruno Fedi), d'un sociologue du droit (Valerio Pocar), d'une psychologue (Annamaria Manzoni), et d'un ex-gestionnaire informatique (Massimo Terrile, représentant ou porte-parole de l'association) ; nous sommes ouverts à d'autres adhésions.
Comme projet pour l'avenir, nous souhaitons organiser un Comité national d'éthique animaliste, composé exclusivement de professionnels réputés, pour initier une diffusion massive à l'échelle nationale des idéaux antispécistes et pouvoir répondre de façon adéquate aux provocations des media sur les thèmes du végétarisme, de la vivisection et de la question animale en général. Il n'est pas exclu que cette initiative s'élargisse de façon à inclure aussi des professionnels d'autres pays, ou qu'elle revête un caractère international.
Tous les documents et les données informatiques relatifs à la gestion de l'association sont archivés au siège social (la résidence privée du porte-parole). Nous ne faisons pas de prosélytisme si ce n'est dans la limite de ce qui nous semble utile pour servir les buts de l'association. Bien évidemment, nous ne refusons pas les adhésions, du moment qu'il s'agit de personnes qui ont fait preuve d'un sérieux engagement pour les animaux, ou qui désirent l'exprimer ; nous exigeons seulement la cohérence avec nos statuts (c'est-à-dire être au minimum végétarien).
Nous sommes ouverts aux relations avec d'autres associations, avec qui nous collaborons indépendamment de leurs idées, du moment que la cause nous semble juste.
Nous estimons – ayant volontairement choisi de ne pas avoir de moyens financiers – que notre association doit être davantage un laboratoire d'expérience et de réflexion intellectuelles qu'une force active dans la lutte animaliste quotidienne.
Si vous souhaitez nous faire part de commentaires ou demander des informations, merci d'écrire (en anglais, français ou italien) à :
comunicazioni@antispec.org
Il vous sera répondu à votre convenance en anglais ou italien. Pour un éventuel contact par téléphone (en anglais, français ou italien), appeler le :
++39 039 606 58 17 (Massimo Terrile)
Pour une demande d'information ou de documents par voie postale, écrire à :
Movimento Antispecista,
c/o Massimo Terrile
Via Principale 11
200050 Correzzana (MI)
Italie
Le texte intégral du Document d'information est disponible à cette adresse :
http://www.antispec.org/it/doc_info...
Ce document est une synthèse des principes qui nous animent, de notre stratégie et organisation. Nous pouvons sur demande vous le faire parvenir (en italien) par courrier électronique ou postal.
Tant que la morale dominante, c'est-à-dire la majorité des personnes, continuera à considérer les autres êtres vivants comme des objets et non pas comme des sujets (c'est-à-dire des êtres conscients et sensibles, à différents niveaux, comme les humains), chaque voix en leur faveur restera lettre morte. Pour surmonter cet obstacle, il est essentiel que la plupart des gens connaissent les origines et les conséquences de la culture spéciste, afin que puisse resurgir le sentiment dont elle a provoqué l'effacement : le respect de l'homme pour les autres espèces.
Le racisme justifie la lutte entre espèces – et au sein de la même espèce – par le principe amoral de la sélection naturelle. Il en découle une classification des êtres vivants (humains inclus) selon leur degré supposé de « supériorité », leur reconnaissant ou non, arbitrairement, le droit à la vie, à la liberté, au bien-être et à l'égalité.
Le spécisme restreint cette approche aux espèces autres qu'humaine, et ne reconnaît que cette dernière comme digne de tels droits, sur la base d'une conception exclusivement anthropocentrique.
L'éthique aspéciste à laquelle se réfère le Movimento naît du principe que les droits à la vie, à la liberté, au bien-être et à l'égalité ne peuvent être déniés à aucun être conscient et sensible.
La simple différence biologique avec d'autres individus ou d'autres espèces ne peut constituer un motif recevable pour leur refuser la jouissance des droits fondamentaux, en tenant compte des besoins de chacun. En outre, il est scientifiquement prouvé que les animaux sont sensibles, que l'homme n'a pas besoin d'une alimentation carnée et que les produits d'origine animale peuvent être remplacés par des produits d'origine végétale. Par conséquent, les traditions spécistes qui font croire que les animaux n'existent que pour servir l'homme trouvent de moins en moins de justifications : l'éthique spéciste devra donc être graduellement abandonnée. Cet abandon se fera d'autant plus vite que l'on parviendra à mieux diffuser les connaissances appropriées.
Le Movimento Antispecista adhère aux principes fondamentaux suivants :
1. Ne pas tuer et ne pas faire souffrir des êtres sensibles et conscients ; ne pas les soumettre à des discriminations arbitraires.
2. Ne pas utiliser de ressources engendrant la souffrance d'êtres sensibles et conscients.
Le Movimento Antispecista juge spéciste la Déclaration universelle des droits de l'animal présentée à l'UNESCO le 15 octobre 1978, qui admet qu'on tue les animaux pour l'alimentation ou pour la recherche, allant contre ses propres principes. Par contre, il adhère pleinement à la « Charte 2000 » de la LIDA [4] de septembre 1999 qui revendique la parité des droits à la vie de toutes les espèces animales.
La cause antispéciste ne peut être représentée par des groupes se réclamant de la DUDA, mais doit l'être plutôt par des personnes qui voudraient diffuser les principes antispécistes sans accepter aucun compromis politique, tout en étant conscientes de la nécessité de procéder progressivement à la modification de la législation actuelle.
L'objectif principal du Movimento Antispecista est de diffuser l'éthique aspéciste et de soutenir les adhérents qui ont des rôles prépondérants au sein d'associations, partis ou institutions afin d'établir une nouvelle morale qui induise un changement des habitudes de consommation et permette l'adoption d'une législation non spéciste qui en finisse avec l'idée que certains animaux sont plus égaux que d'autres.
Par ailleurs, le Movimento respecte le rôle que chaque association animaliste s'est donné, en reconnaissant leur utilité pour la défense de la cause commune, et se propose d'être un pôle de rassemblement des composantes du mouvement animaliste qui ont pour objectif l'abolition de l'exploitation et de l'abattage des animaux, considérant cela injustifiable, tout comme pour l'homme.
Article 1. Les animaux, humains et non-humains, en tant qu'êtres sensibles et conscients, ont tous les mêmes droits à la vie, à la liberté, au respect, au bien-être, dans le cadre des besoins propres à leur espèce ; ils ne doivent pas faire l'objet de discriminations arbitraires.
Article 2. Les humains – comme tous les êtres sensibles qui seraient reconnus comme agents moraux – doivent respecter les droits précités, et se défaire des idées anthropocentriques et spécistes.
Article 3. Dans le cadre de cette relation, la nourriture et autres produits dérivés des autres espèces doivent être obtenus sans causer ni meurtres, ni souffrances ou altérations biologiques et sans compromettre la satisfaction des besoins éthologiques ; autant que possible, ils doivent être remplacés par des produits d'origine végétale ou inorganique.
Article 4. Tuer ou faire souffrir des animaux d'autres espèces (par exemple les soumettre à des travaux forcés, leur faire violence dans des activités, manifestations ou fêtes, les élever par des procédés non naturels) ou encore réaliser des expériences sur des individus sains et/ou dans l'intérêt d'autres espèces ou d'autres individus ; leur causer des dommages physiques ou psychologiques ; emprisonner des individus d'espèces naturellement autonomes ou détruire leur habitat ; mais encore user de la légitime défense de manière excessive, constitue une violation des droits précités et est donc considéré comme un crime.
Article 5. La recherche scientifique sera soumise à des contrôles sévères pour assurer le respect des principes énoncés ci-dessus. Le principe de précaution doit également être appliqué en ce qui concerne les autres espèces.
Le Manifeste a été rédigé afin de remplacer la Déclaration universelle des droits de l'animal de 1978, aujourd'hui dépassée. Il se veut un point de référence pour les organisations animalistes modernes. Il a déjà été signé par Tom Regan, Margherita Hack, Bruno Fedi, Valerio Pocar, Carlo Consiglio, Stefano Cagno et 150 autres personnes, ainsi que par les associations suivantes :
1. Animal Liberation — Serena Sartini - Rimini
2. Animalex — Daniela Casprini, Silvia Saba - Roma
3. Animalisti italiani — Walter Caporale - Roma
4. Associazione amici animali abbandonati — Elvia Fichera - Genova
5. Associazione Zoofila Ecologica Laziale — Luciano Pennacchiotti - San Cesareo, Roma
6. Centro Mondiale Antiviolenza — Salvatore Mongiardo - Milano
7. Centro Ricerca Cancro s. Sperimentaz. Animale — M. Grazia Barbieri - Genova
8. Comitato Europeo Difesa Animali — Roberto Tomasi – Brunate, Como
9. Ente Nazionale Protezione Animali — Paolo Manzi - Roma
10. Friends of the Animals International Ltd — Agneta Riberth Toll – U.K.
11. Gaia Animali e Ambiente — Edgar Meyer - Milano
12. Gruppo Rinascita Animalista — Aldo Sottofattori - Ivrea
13. Lega Antivivisezionista Emilia Romagna — Silvia Martelli – C. S. Pietro Terme
14. Lega Nazionale per la Difesa del Cane — Laura Barcella - Milano
15. Lega per l'Abolizione della Caccia — Carlo Consiglio - Roma
16. Movimento dell'Amore Universale — Franco Libero Manco - Roma
17. Movimento Antispecista — Massimo Terrile - Milano
18. Movimiento Antitouradas de Portugal — Maria Lopes - Lisbona
19. Società Vegetariana (Sez. Campania) — Vincenzo Falabella - Napoli
20. Unione Naturisti Italiani — Carlo Consiglio - Roma
21. Uomo Natura Animali — Ebe Dalle Fabbriche – S.Piero a Sieve, Firenze
22. Vegetarian International Voice for Animals — Juliet Gellatley – Brighton, U.K.
23. Vegetarian and Vegan Foundation — Juliet Gellately – Brighton, U.K.
24. Vogliovivere International — Anna Massone - Genova
25. Associazione Sammarinese Protezione Animali— Emanuela Stolfi – Repubblica di San Marino
26. Lega Italiana dei Diritti dell'Animale — Giovanni Porta - Torino
27. LEAL – Lega antivivisezione (sez. Napoli) — Vincenzo Falabella - Napoli
28. Unione Vegetariana Animalista — Massimo Andellini – Roma
29. Vegan Italia — Stefano Momenté – Jesolo (VE)
30. Collettivo Animalista — Roberto Cavallo – Paderno Dugnano (MI)
32. Fundacion Altarriba, friends of Animals — Nuria Querol y Vinas - Barcelona
Le Manifeste se limite à l'énoncé des principes dont les lois devraient s'inspirer. Dans un souci de concision, il n'aborde pas les raisons qui fondent ces principes, de même qu'il n'expose ni les causes qui ont engendré la situation actuelle, ni les raisons pour lesquelles il est nécessaire d'en changer, de la même façon que la Déclaration des droits de l'homme n'explique pas – pour le même motif – les causes qui ont provoqué la négation de ces droits, ni ce qui a provoqué le changement.
Le Manifeste a pour but d'attirer l'attention des pouvoirs politiques sur les principes éthiques qu'il énonce, et que ses auteurs voudraient voir intégrer à la législation. Il est à la fois la présentation d'un objectif politique et l'offre d'un support transversal à toutes les forces qui voudraient voir cet objectif atteint.
En fait, le Manifeste n'est pas un document définitif et ne le sera sans doute jamais. C'est un document en construction, qui doit être en permanence soumis à la critique et à la révision, afin de concevoir le plus clairement possible la nouvelle éthique inter-espèces. C'est pourquoi les réflexions et suggestions des personnes qui partagent avec nous la volonté de combattre le spécisme sont les bienvenues.
[1] Déclaration universelle des droits de l'animal, texte disponible à cette adresse : http:// league-animal-rights.org/du...
Une critique de cette déclaration par Yves Bonnardel a été publiée dans le numéro 2 des Cahiers antispécistes en janvier 1992 sous le titre « Droits de l'animal, version française ». [NdT]
[2] Lega Anti Vivisezione (Ligue anti-vivisection). La LAV est une des grandes organisations animalistes italiennes. [NdT]
[3] Voir notre bulletin n°1 de janvier-février 2005 entièrement consacré à ce sujet. On peut demander à le recevoir par e-mail.
[4] L.I.D.A. : Lega Italiana dei Dritti dell'Animale (Ligue italienne des droits des animaux). Voir le site : http://mclink.it/assoc/lida/. Le texte de la Charte 2000 de la LIDA se trouve à cette adresse : http://www.mclink.it/assoc/lida/car... [NdT]