Sur la qualification terroriste de l’ALF et ses implications juridiques et politiques remarquables
David Chauvet est doctorant en droit à l’Observatoire des mutations institutionnelles et juridiques de l’Université de Limoges. Il a écrit le texte qui suit en 2012, dans le prolongement de sa participation au colloque « Jusqu’où défendre les animaux ? » (Paris, Sciences Po, 23 mai 2011) dont il était co-organisateur.
La Rédaction
Si les conflits sociaux révèlent l’émergence d’enjeux de société, nul doute que la question animale prend une dimension inédite depuis que les défenseurs des animaux la portent sur le terrain. La cause animale a dépassé le stade de la théorisation non seulement pour atteindre celui de la revendication organisée1, mais aussi, plus récemment, celui de l’action directe. Le Front de libération des animaux, ou ALF (Animal Liberation Front), courant animaliste d’origine anglo-saxonne prônant le recours à l’action illégale dans la limite de la non-violence sur les personnes2, se fait connaître depuis les années 1970 par de très nombreuses libérations d’animaux aussi bien que par la dégradation ou la destruction d’infrastructures servant à leur exploitation, au besoin par le feu. Si les secondes effraient, les premières, bien qu’elles constituent un vol, attirent facilement la sympathie3. Il y a quelque paradoxe à trouver légitime de sauver un animal de l’enfer auquel on le destine par ailleurs en acceptant la condition qui lui est légalement faite. Telle est, je crois, la contradiction qui résume la manière dont est perçu l’ALF, et interroge, à travers la perception de ce mouvement, l'ensemble de la cause animale.
Le meurtre des animaux que l’homme exploite est légal en France comme ailleurs. Peu le remettent en cause, puisqu’il est la condition de l’utilité que la plupart en tirent. Chaque jour en France, près de trois millions d’animaux terminent dans les abattoirs leur triste existence4, sans compter les innombrables poissons qui, à peine considérés comme des animaux, sont soumis dans l’indifférence générale aux pires traitements : lente agonie par suffocation, écrasement dans les filets, éviscération à vif, etc5. Les sympathisants de l’ALF comparent volontiers l’action de ce mouvement à celle des résistants de la Seconde Guerre mondiale, tant il est vrai que, comme le disait le prix Nobel Isaac Bashevis Singer, pour les animaux, « tous les êtres humains sont des nazis6 ». Pourtant, ce même ALF tente d’alerter l’opinion publique sur les violences que subissent les animaux. Pour ce faire, ses militants filment la détresse animale sur les lieux de leurs interventions7. Il eût été bien inutile de sensibiliser les nazis sur les violences faites aux Juifs.
Actuellement, nombreux encore sont ceux pour qui les animaux ne comptent pas plus que des outils, au premier rang desquels ceux qui les exploitent, qui plus est dans les pires conditions. Notre code civil, selon lequel les animaux ne sont que des « biens meubles », s’inscrit dans cette vision strictement utilitaire, tandis que d’autres, comme celui de l’Allemagne8, affirment explicitement que l’animal n’est pas une chose. D’une façon générale pourtant, notre époque réprouve la violence sur les animaux, même lorsqu’elle est exercée dans l’intérêt humain. Nous ne nous octroyons pas le droit d’agir arbitrairement à leur égard. Les mauvais traitements ou la mise à mort ne doivent intervenir qu’en cas de nécessité, et s’il faut tuer les bêtes, que ce soit « humainement ». Ce principe de nécessité s’exprime aujourd’hui dans la loi française, avec les articles L214-3, L215-11 du code rural et R654-1 du code pénal pour ce qui concerne les mauvais traitements, et l’article R655-1 du code pénal pour la mise à mort9. Nous sommes de nos jours très loin des conceptions stoïciennes à l’égard des animaux, qui s’étaient imposées dans le christianisme par l’intermédiaire de théologiens leur refusant par principe tout rapport de justice, comme Augustin d’Hippone ou Thomas d’Aquin. Si l’on peut définir le droit à l’existence des animaux en fonction d’un impératif de nécessité, le désaccord porte sans doute moins à présent sur le bien-fondé d’un tel droit naturel et positif que sur les modalités d’application d’un principe désormais reconnu. Plus le meurtre de l’animal est ludique, comme c’est le cas pour la corrida ou la chasse à courre, plus il est réprouvé. Lorsqu’on mange les animaux, c’est parce qu’on croit qu’il le faut, en s’imaginant que cette alimentation s’inscrit dans la nature des choses. Quant au plaisir culinaire qu’on tire de ces dégustations, il est vite gâché si l’on s’attarde sur la victime sacrifiée dans les abattoirs. Aussi évite-t-on pareilles pensées – et nous pouvons à cet égard compter sur l’aide des professionnels de la filière. Leurs publicitaires déploient tous leurs talents pour minimiser autant que possible la violence inhérente à la production de viande. D’autres mécanismes de défense, comme la mentaphobie10, contribuent également à relativiser notre responsabilité quant au sort que nous réservons aux animaux. Mais ils interviennent lorsqu’il s’agit de justifier leur mise à mort, qui ne va donc pas de soi. Sans besoin de tuer les animaux, nul besoin de nier leurs droits. C’est pourquoi l’on peut trouver sympathique le militant qui libère l’animal composant habituellement nos repas. Cette perception ambivalente est celle d’une civilisation à mi-chemin entre l’absence totale de considération pour les animaux exhibée par certains et le respect intégral qu’appelle de ses vœux le mouvement pour la défense de leurs droits. Dans ce contexte, il est difficile de situer l’action illégale des militants de l’ALF.
Ces dernières années, on a eu tendance à qualifier de « terroriste » ou d’ « écoterroriste » l’action de l’ALF. Cette tendance pose de sérieux problèmes juridiques, éthiques et politiques. En plaçant au même niveau les assassins et ceux qui prennent soin de ne blesser ou tuer personne, on réduit l’importance d’une différence pourtant essentielle à de nombreux égards. Celui qui fait exploser une bombe dans la foule et celui qui, la nuit, libère un animal de sa cage, sont désignés par le même vocable. Aux États-Unis, l’Animal Enterprise Terrorism Act (AETA), adopté par le gouvernement de G. Bush le 26 novembre 2006, vise expressément le vol des animaux utilisés par les entreprises de production ou d’expérimentation animale. C’est au détriment de la hiérarchie symbolique qui, dans la conscience sociale, distingue les crimes les plus indéfendables de délits relevant d’une dissidence politique plus facilement comprise. Le terme « terrorisme » risque alors de perdre toute spécificité en se banalisant. Autrement plus préoccupantes sont les implications relatives aux droits humains. La mise en échec d’un certain nombre d’instruments de protection des libertés fondamentales par la législation antiterroriste11 se justifie déjà difficilement alors même qu’il s’agit de protéger la vie humaine d’attentats délibérément meurtriers. Mais pour la protection d’intérêts économiques ? C’est pourtant de celle-ci que relève la répression à l’encontre de l’ALF, classé parmi les mouvements terroristes par le Federal Bureau of Investigation (FBI) en 1987, en réaction à un attentat aux conséquences financières particulièrement importantes12.
Cette manière de voir s’inscrit dans l’évolution juridique de la notion de terrorisme13, détachée de l’idée qu’en retient généralement le sens commun. Pour la plupart des gens, l’action terroriste est celle qui tue ou porte atteinte à l’intégrité physique d’autrui. Il n’est donc pas artificiel de qualifier Al-Qaida, par exemple, de terroriste. C’est sans conteste beaucoup moins évident pour ce qui est de l’ALF. Les échanges devant une commission sénatoriale américaine en 2005 à propos de ce mouvement, et notamment sa qualification, témoignent de cet écart : « Vous avez dit que les gens étaient terrorisés par l’idée de ces actions [de l’ALF]. Voyons, vous considérez l’écoterrorisme comme la première menace intérieure de terrorisme domestique. Est-ce que je vous cite correctement ? » demandait le sénateur Lautenberg à John Lewis, directeur adjoint du FBI. Après que celui-ci eut acquiescé, le sénateur ajouta : « Les gens ne craignent-ils pas davantage qu’on enlève leurs enfants dans un centre commercial, qu’un violeur pénètre chez eux par effraction, ou que quelqu’un commette un assassinat ? ». Lewis : « Je pense que si vous interrogiez l’homme de la rue, il dirait, oui, nous avons sans doute plus peur de cela. » Lautenberg : « Oui, parce que le terrorisme ne correspond pas du tout à la façon dont nous en parlons [ici]14. » Les actions de l’ALF répondent à la définition du terrorisme qu’en donne le FBI15, tranchera Lewis, craignant moins la tautologie que la discussion.
Pour autant, du point de vue du droit, la notion de terrorisme ne dépend plus exclusivement de l’accomplissement de violences sur les personnes. Si, jusqu’à une période relativement récente, les dégradations et détériorations n’étaient rangées au nombre des infractions terroristes que dans la mesure où elles créaient un risque pour la vie ou la santé humaine16, à présent, aux États-Unis17, en Angleterre18 comme en France19, il suffit qu’elles soient rattachées au but « de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur » pour prendre la formulation française d’une idée largement répandue. La possibilité de substituer le critère de l’intimidation à celui de la terreur participe pourtant d’une définition du terrorisme pour le moins ambiguë car « toute violence porte en elle un facteur d’intimidation20 ». Avec la liste hétérogène des infractions pouvant relever du terrorisme selon notre code pénal ou la décision-cadre du Conseil de l’Union européenne du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, nous sommes en présence d’un véritable « risque d’inclure des actes relevant du “mouvement social” et non du terrorisme proprement dit21 ». Toute forme de contestation impliquant une violence sur les biens à des fins politiques est pratiquement concernée par cette approche. En effet, « comment identifier de manière univoque la frontière entre terrorisme, extrémisme violent, opposition politique, lorsque les actions matérielles sont identiques22 ? ». En relèveraient par exemple les destructions de parcelles d’organismes génétiquement modifiés, qui visent à faire aboutir des vues politiques (l’interdiction de ces cultures) et constituent « une action parfaitement illégale et violente (puisqu’elle s’attaque à la propriété privée)23 ». Pour l’heure, l’idée n’est heureusement venue à personne d’assimiler les « faucheurs » à des terroristes, que ce soit judiciairement ou dans la presse. De même, aucun militant de l’ALF n’a été condamné pour terrorisme sur notre sol (mais le phénomène est marginal en France). Une législation qui prononcerait de telles condamnations ne serait plus répressive, mais oppressive. Ces abus apparaîtraient de façon manifeste, à moins que chacun ne voie, dans le sort particulier réservé aux activistes de l’ALF, une exception au consensus social selon lequel l’atteinte aux biens relève non du terrorisme mais de la désobéissance civile. Encore faudrait-il justifier une telle exception.
Cela amène à s’interroger sur une tendance de la presse francophone24 à emboîter avec aisance le pas au FBI qui range l’ALF au nombre des menaces terroristes. Faut-il mettre cela sur le compte de l’apparence inquiétante de ses militants (vêtements noirs, cagoule), des incendies qu’ils commettent quelquefois ou de leur diatribe souvent vindicative ? Les « black blocs » n’ont pourtant rien à leur envier25. Eux ne sont pas étiquetés comme terroristes par les médias, lesquels peuvent parfois même faire montre du sens critique qui fait trop souvent défaut lorsqu’il est question du prétendu caractère terroriste de l’ALF26. Sans doute ne faut-il y voir autre chose qu’un simple suivisme médiatique. Mais on peut aussi envisager que, parfois, cette appréciation puisse exprimer un rejet non pas uniquement des méthodes mais aussi de la doctrine présidant à l’action de l’ALF. Ce dernier, alors, n’est plus le seul concerné par cette réaction qui vise aussi le mouvement pour les droits des animaux dans sa totalité.
Il n’est probablement pas inutile de constater ici que les articles dénonçant la « menace terroriste » de l’ALF sont aussi ceux qui s’opposent vigoureusement, sur le fond, au mouvement pour les droits des animaux, c’est-à-dire à l’antispécisme ou à la libération animale27. Dans un article du 30 mai 2009 intitulé « Le terrorisme végétarien », paru sur le site du Nouvel Observateur, l’un de ses journalistes, Fabien Gruhier, « assimile les associations participantes à la “Journée contre le spécisme” (discrimination exercée contre les animaux) aux auteurs d’incendies dirigés contre un marché de la viande », pour reprendre les termes du droit de réponse obtenu par lesdites associations. Un autre leur avait été concédé quelques années plus tôt, à l’occasion d’un article du même hebdomadaire qui avait établi un lien entre les actions violentes et une idéologie qui l’impliquerait mécaniquement28. L’article, après avoir comparé Al-Qaida et l’ALF, citait Le Principe d’humanité (Seuil, 2001) du journaliste et écrivain Jean-Claude Guillebaud : « C’est une idéologie dangereuse pour l’humanité de penser que les animaux ont les mêmes droits que les humains. Il s’agit là d’un antihumanisme qui ramène à la logique du nazisme29. » On trouve ce lien entre une méthode, celle de l’ALF, et la doctrine antispéciste également chez le politologue Paul Ariès : « La violence des moyens mis en œuvre n’est que le fruit d’une idéologie perverse. La régression organisée par ce dogme ne peut, en effet, déboucher que sur la terreur. Cette violence physique ou morale est moindre cependant que la violence symbolique : ces prétendus libérateurs ne sont en effet que les saboteurs de toute forme d’humanisme30. » Il ajoute : « Il ne suffit pas de condamner les effets (la violence) sans condamner ce qui les motive31. » L’accusation de « terrorisme » portée à l’encontre de l’Animal Liberation Front pourrait dès lors servir une stratégie de diabolisation politico-idéologique du mouvement de libération animale32 par l’assimilation rhétorique du premier au second. Elle culmine dès le début de l’ouvrage : « Le plus grand danger n’est pas leurs actes terroristes mais leur pensée terroriste33. » Une telle analyse amène à constater non pas seulement l’illégitimité de l’action de l’ALF, mais aussi celle de sa cause. On ne saurait admettre que les militants de l’ALF libèrent les bêtes, car ce serait accréditer la thèse antispéciste selon laquelle on les enferme de façon injuste, et que leur libération est justifiée34 ; qu’il faudrait leur reconnaître des intérêts comparables aux nôtres, et des droits à l’avenant. D’aucuns préféreraient qu’on parle moins de libération de victimes animales que de terrorisme. Il y a quelque intérêt idéologique à qualifier de terroristes les militants de l’ALF.
Cependant, discréditer de cette manière indirecte la cause antispéciste pourrait avoir des conséquences concrètes particulièrement dramatiques, non seulement pour les militants radicaux, mais aussi pour les autres. Un auteur, plaidant pour l’étiquetage terroriste de l’ALF, avançait dernièrement : « il semble improbable que le fait de qualifier de terrorisme l’activité de l’ALF affecte celle d’organisations légitimes passant par les canaux de sensibilisation classiques35. » Cette analyse pour le moins optimiste, outre l’aisance déconcertante avec laquelle elle accueille la disproportion des moyens et sanctions déployés contre les militants de l’ALF, semble avoir économisé la prise en compte d’épisodes récents, pourtant édifiants. N’avons-nous pas récemment constaté, en Autriche, la facilité avec laquelle des lois antiterroristes peuvent être utilisées pour faire arrêter d’inoffensifs militants associatifs ? L’association Verein Gegen Tierfabriken36 (VGT) obtenait des résultats significatifs en matière de défense animale37, par un militantisme qui ne dépassait pas le stade de la désobéissance civile telle que la pratiquent couramment nombre d’associations écologistes, humanistes ou animalistes. Ses dirigeants et militants ont pourtant dû subir, en mai 2008, une arrestation très musclée. Sur le fondement du dispositif d’exception contre le terrorisme38, ils furent cueillis à l’aube dans leur lit, revolvers braqués sur eux comme s’ils cachaient une mitraillette sous leurs draps, puis mis en détention provisoire à partir de charges des plus douteuses, telle que la présomption d’appartenir à une organisation criminelle39. Ce déplorable épisode s’est soldé par un acquittement sur tous les chefs d’inculpation en mai 2011. Il reste que l’épreuve fut longue et rude, et que la vie des prévenus, emprisonnés pendant une centaine de jours, en a été bouleversée. Ils en sortent criblés de dettes monumentales40, le code de procédure pénale autrichien ne permettant pas au juge d’ordonner, au bénéfice de la personne innocentée, un remboursement des frais de justice d’un montant supérieur à 1250 euros41. Il importe pour le présent propos de remarquer que cette tentative policière, manifestement abusive, fut vivement dénoncée par des ONG comme Amnesty International, et provoqua un tollé dans la presse autrichienne et internationale (à l’exception notable du pays des droits de l’Homme). Mais en serait-il allé de même si l’opinion et les médias, à force d’entendre que les militants animalistes sont des terroristes, avaient trouvé normal qu’un tel sort leur fût réservé ? Cet opprobre ne peut être sans conséquences graves au regard des principes d’égalité entre les citoyens, surtout lorsqu’il est le fait de l’État. Aux États-Unis, la législation à l’égard de l’ALF dit aux militants animalistes de se tenir à carreau sous peine de se voir affublés de cette monstrueuse accusation de terrorisme, comme l’explique Kimberly E. McCoy dans un article très lucide sur cette situation alarmante42. Finalement, résume-t-elle, « une personne qui écrit avec une bombe aérosol le mot “assassin” sur la vitrine d’un magasin de fourrure, sans blesser qui que ce soit, pourrait être condamnée en vertu d’une loi fédérale sur le terrorisme, et être ainsi mise à égalité avec les auteurs d’atrocités telles que l’attentat à la bombe d’Oklahoma City, celui du Parc olympique d’Atlanta, ou les événements du 11 septembre43 ». Sous l’impulsion du FBI et de l’administration Bush, l’Amérique n’est-elle pas en train de s’illustrer par une nouvelle chasse aux sorcières44 ?
Les excès des autorités américaines ou autrichiennes sont consécutifs aux dommages économiques que subissent les filières d’exploitation animale. Jusqu’à présent, l’existence de ces dernières est toutefois moins menacée par l’action illégale de l’ALF que par celle, légale, d’une association traditionnelle comme VGT. Lorsque l’ALF détruit des fermes à fourrure, c’est autant de débouchés pour d’autres producteurs qui peuvent renforcer leur sécurité et rendre impossibles de telles actions. Mais une interdiction de la production de fourrure comme celle qu’a obtenue VGT réduit définitivement à néant l’ensemble de la filière. On comprend la tentation d’utiliser le formidable appareil de lutte antiterroriste pour neutraliser une association aussi gênante. Ce qui s’est produit en Autriche menace de n’être qu’un prélude à ce qui se produira ailleurs, avec la progression de la cause animale, car l’influence des groupes de pression anti-animalistes sur l’exécutif est très forte45.
Je ne me suis pas interrogé sur la légitimité de l’ALF pour la cause animale. D’un point de vue conséquentialiste, elle se confond beaucoup avec ses effets sur l’opinion publique, étant entendu que le but que vise ce mouvement – la libération animale – ne sera pas atteint sans l’assentiment de la population. Mais le consensus peut-il suffire à changer les choses ? En la matière, force est de constater que non. Certainement, face à l’indifférence des pouvoirs publics tant à l’égard des souffrances des animaux que de l’opinion s’exprimant majoritairement contre ces souffrances, l’action des militants de l’ALF est-elle nourrie par la conviction que les voies traditionnelles sont impuissantes à améliorer significativement la situation. Se pose dès lors la question de l’influence démesurée des lobbies d’exploitation animale sur la classe politique et ses conséquences néfastes sur le fonctionnement de nos institutions démocratiques. En France, l’esprit des défenseurs des animaux ne peut qu’être profondément marqué par le classement de la corrida au « patrimoine culturel immatériel de la France », la pénalisation de la contestation pacifique de la chasse à courre, etc. En bonne logique démocratique, ces pratiques, largement réprouvées par l’opinion publique46 et contestées depuis plusieurs décennies par les associations47, ne devraient pas perdurer et encore moins faire l’objet d’une telle protection gouvernementale. Si le dysfonctionnement des institutions, ainsi engendré, provoque une crise de confiance incitant au recours à l’illégalité48, c’est une raison de plus de s’interroger sur la place qu’occupent ces groupes de pression au sein des structures de gouvernement49.
Octobre 2012
(http://www.fbi.gov/albuquerque/about-us/what-we-investigate/priorities)